La tribune des experts
Est-ce qu’on se baigne parmi les algues ?
Beurk… Et bien oui, mais pas parmi celles que l’on croit. Car les algues dans le Léman sont microscopiques. On ne les voit pas ou peu à l’œil nu. Elles flottent, faisant alors partie du phytoplancton, ou se fixent et s’agrègent en grand nombre sur des supports comme des rochers ou les cordages des bateaux. C’est à ce moment-là qu’elles deviennent visibles.
Alors qu’est-ce que ces grands « trucs » verts qui chatouillent nos jambes à la belle saison ? Il s’agit de plantes aquatiques, également appelées « macrophytes ». Macro pour gros et donc visible à l’œil nu, et phytes pour plantes.
Les macrophytes sont semblables aux plantes terrestres : elles ont des racines, des feuilles, produisent des fleurs et des graines, à ceci près qu’elles poussent dans l’eau et non sur la terre ferme. L’une des principales différences avec les plantes terrestres est leur absence de tige rigide. Leur port vertical est assuré par la poussée d’Archimède.
Plus de 18 espèces de macrophytes vivent immergées dans le Léman dans les premiers 15 mètres de profondeur. Elles peuvent former localement de véritables et magnifiques prairies lacustres.
Ces plantes aquatiques sont indispensables à la bonne santé du lac, offrant d’immenses et nombreux services à de nombreuses espèces, dont la nôtre. Par exemple :
- elles participent à l’oxygénation de l’eau et des sédiments par la photosynthèse ;
- elles stockent du CO2 ;
- elles servent de refuge notamment aux jeunes poissons comme les perches mais aussi de cachettes pour les brochets qui chassent à l’affût ;
- elles sont des lieux propices pour la reproduction des poissons et peuvent servir de support de pontes ;
- elles constituent une ressource alimentaire importante pour les poissons et oiseaux d’eau herbivores ou encore pour des invertébrés comme la limnée, un escargot aquatique ;
- elles stabilisent le substrat et le fond du lac grâce à leurs racines et participent donc à la lutte contre l’érosion des berges en absorbant une partie des énergies des vagues ;
- elles participent à lutter contre la pollution en épurant certaines molécules en excès (phosphates et nitrates).
Il arrive c’est vrai qu’elles se détachent du fond du lac ou se cassent lorsqu’elles arrivent en fin de vie ou sont arrachées par les baigneurs, les bateaux ou les pagaies des paddles. Mais leur utilité ne s’arrête pas là pour autant. Elles vont se décomposer et servir de matière organique que les bactéries et certains invertébrés vont décomposer pour recréer de la matière minérale et permettre au cycle de vie du lac de reprendre la saison suivante.
En général on les extrait du lac surtout lorsqu’elles gênent la navigation (action appelée « faucardage »). Dans les ports, cela peut s’avérer en effet indispensable car elles s’accrochent notamment aux hélices de moteur des bateaux. Mais se faire chatouiller les jambes par des plantes aquatiques lors d’une baignade n’est ni sale ni dangereux. C’est au contraire le signe d’un lac en bonne santé, tant qu’il s’agit, bien sûr, de plantes locales et non exotiques et invasives.
Par Anne-Sophie Deville
Dre en écologie et Conservatrice adjointe au musée du Léman
Le 8 mars 2023
Crédit photo : Natural Resources Wales
L'experte
Anne-Sophie Deville
Dre en écologie et Conservatrice adjointe au musée du Léman
Anne-Sophie Deville est docteur en écologie. Après sa thèse, puis diverses activités en communication scientifique, elle a rejoint le Musée du Léman en 2018. En parallèle, elle est très engagée dans la vulgarisation sur les réseaux sociaux, via son compte @anneso_what.
C’est parce que le Léman est vaste, son fonctionnement complexe, sa faune et sa flore riche et dynamique, et surtout, parce qu’il n’y a pas de questions bêtes, que le musée du Léman propose cette tribune dédiée aux questions du grand public. Des experts issus de disciplines variées feront de leur mieux pour vous répondre. Vous avez une question sur le Léman ? Posez-la-nous ici, nous la transmettrons à notre meilleur(e) expert(e) !